"Maraud, faquin, butor de pied plat ridicule! Ah? ... Et moi, Cyrano-Savinien-Hercule De Bergerac."


« Que dites-vous ?... C’est inutile ?... Je le sais ! Mais on ne se bat pas dans l’espoir d’un succès ! Non ! non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile ! »


Après Jane Austen et ses critiques de la bonne société anglaise, dirigeons-nous vers le monde du théâtre pour évoquer aujourd’hui une pièce elle aussi très connue. Si je vous parle de la tirade des nez ou de celle des non-merci ? Si je vous évoque Ragueneau et sa recette des tartelettes amandines ? Si enfin, je vous dis Edmond Rostand ? Oui, nous allons partir sur les traces de Cyrano de Bergerac !

Vous vous souvenez quand je vous ai dit qu’Orgueil et Préjugés était un roman qui m’était cher ? Et bien multipliez par mille et vous aurez l’amour que je porte à Cyrano de Bergerac. Pourquoi cette pièce est-elle un classique ? Déjà car elle a été jouée environ quatre cents fois en moins de deux ans, a été traduite dans plusieurs langues et encore aujourd’hui elle est régulièrement montée par les troupes de théâtre ou étudié dans les collèges et lycées. 


Dernièrement, l’origine de la pièce a fait l’objet d’un film, Edmond, d’Alexis Michalik en 2019. Donc préparez-vous, cette chronique sera, elle aussi, une vraie déclaration d’amour à l’œuvre théâtrale (et un peu longue également).


Pour commencer, quelques mots sur l’auteur et sur l’origine de la pièce. Ecrite entre 1896 et 1897, Cyrano de Bergerac s’inscrit dans un contexte où les pièces à succès sont surtout du vaudeville ou le théâtre de boulevard. Ecrite en vers et très romanesque, l’œuvre d’Edmond Rostand s’éloigne des succès populaires et passe pour une pièce injouable de par son nombre de personnages, les décors qui ne cessent de changer et des actes plus ou moins longs.

Mais comment Edmond Rostand a-t-il eu l’idée de cette pièce ? Passionné par la période de Louis XII, Edmond est quelque peu fasciné par le personnage de Savinien Cyrano de Bergerac, cet écrivain libertin et fin bretteur. Il décide alors de mêler sa propre vie (surtout celle d’un de ses amis à vrai dire) à celle de Cyrano pour créer l’œuvre qu’on connait aujourd’hui. Edmond Rostand présente son projet à Coquelin, acteur français qui est très intéressé et trouve un commanditaire pour louer la salle de théâtre de la Porte Saint Martin. Entre plusieurs crises de dépression, l’auteur accouche finalement d’une œuvre de cinq actes, écrite en alexandrins oscillant entre comédie héroïque, romantisme et tragédie classique. Si vous voulez en savoir plus sur le contexte de création, je ne peux que vous conseiller le film Edmond qui, même si c’est romancé, donne de bons éléments sur le processus de création.

Quel est l’argument de la pièce ? Cyrano de Bergerac est membre des Cadets de Gascogne, fin bretteur et poète à ses heures perdues. Amoureux de sa cousine Roxane, il se refuse à lui déclarer son amour car il est persuadé que sa laideur, incarnée par son nez, empêchera Roxane de l’aimer pour ce qu’il est. Arrive alors Christian, jeune homme beau, mais un peu « stupide » à qui Roxane porte un amour profond. Cet amour étant réciproque, Cyrano se fait alors le messager de Christian, lui soufflant les lettres et les bons mots pour séduire Roxane. C’est le principal résumé que l’on peut faire de la pièce. L’histoire possède bien sûr quelques subtilités : on croise le comte de Guiche qui fait aussi la cour à Roxanne, toute la compagnie des Cadets de Gascogne qui voue une admiration sans borne à Cyrano, les amis de Cyrano comme Rageneau le poète-pâtissier… On suit à la fois les amours de Roxane et Christian mais aussi la guerre incarnée par le siège d’Arras et la vie quotidienne de tous les personnages.

Si l’on parle de tragédie classique pour Cyrano c’est parce qu’elle en possède tous les aspects. Attention, cette partie va révéler quelques éléments de l’intrigue. Les actes quatre et cinq tournent autour de la guerre et des souvenirs des morts. En effet, on suit la compagnie des Cadets de Gascogne au siège d’Arras où ils ont été envoyés par De Guiche. Celui-ci veut se venger du mariage de Roxane avec Christian et envoie plus ou moins à la mort la compagnie dont il fait partie avec Cyrano. Durant le siège, ce dernier continue à envoyer des lettres au nom de Christian. Enflammée par les lettres, Roxane arrive sur le champ de bataille avec des vivres pour les soldats. Mais sa venue entraine malgré elle, la mort de Christian qui découvre l’amour que Cyrano porte à Roxane et comprend alors que Roxane ne l’aime pas, mais aime l’esprit de Cyrano. Il part alors au combat et on comprend au vu des propos qu’il s’agit d’une forme de suicide. A la fin de la pièce, on retrouve Cyrano qui rend visite à Roxane, retirée dans un couvent, tous les samedis. Ne dérogeant pas à la règle, il se présente un jour après être tombé dans une embuscade. Il est mourant mais lit la dernière lettre de Christian à Roxane qui finit par comprendre que c’est lui qui écrit et qui l’aime depuis le début. Il meurt alors dans les bras de Roxane. L’histoire se termine donc mal, mais de manière fort belle comme dans les tragédies.

Cyrano de Bergerac est une pièce magnifique. Elle marie à la perfection les différents genres et les événements font qu’on ne s’ennuie jamais. Même si l’acte quatre est un peu long, les autres mettent bien en place les différents personnages et intrigues et peut plaire à tous les publics. 

A ce sujet j’ai une anecdote. Lorsque j’encadrais une classe de 4e pour de l’aide aux devoirs, l’ensemble de la classe est arrivé en râlant sur leur nouvelle lecture obligatoire qui était Cyrano de Bergerac. Ne supportant pas d’entendre autant de mal de ma pièce préférée, j’ai intimé le silence à tout le monde et j’ai pris le temps de leur lire la tirade des nez. Ils ont arrêté de râler et se sont intéressés à la pièce quasiment immédiatement. Ensuite, ils ont visionné quelques extraits de l’adaptation filmée avec Gérard Depardieu et ont été frustrés de ne pas tout voir si bien qu’à la fin de l’année nous avons regardé ensemble le film et ils ont adorés. Je pense que ce jour là reste pour moi comme étant une de mes plus grosses victoires de transmission de mon amour pour un livre.

Encore aujourd’hui, je prends beaucoup de plaisir à relire cette pièce et à revoir l’adaptation réalisé par J.P Rappeneau. Celle-ci est d’ailleurs la meilleure à mes yeux et le rôle de Cyrano reste le plus grand rôle de Gérard Depardieu. Il est difficile de parler de toutes les adaptations de Cyrano de Bergerac car de nombreuses troupes, que ce soit des amateurs ou des professionnels ont cherché à la jouer au moins une fois. 

Pour ma part j’ai vu la version de la compagnie Renata Scant au théâtre il y a de nombreuses années. J’ai même failli jouer le personnage emblématique avec la troupe de théâtre de mon lycée avant que l’on ne se dirige vers une autre pièce.

L’œuvre a également été adaptée à l’opéra plusieurs fois, en film entre 1900 et 1990 mais aussi en ballet. Mais les adaptations sont aussi à destination des plus jeunes ce qui confirme son caractère inter-générationnelle : bandes dessinées, albums jeunesse… Cyrano de Bergerac n’a de cesse de fasciner et de convaincre de nouvelles personnes à chaque représentation ou adaptations.  De même, je ne compte plus les références faites à l’œuvre : Gérard Depardieu y fait un clin d’œil dans Astérix et Obélix Mission Cléopâtre, une chanson du groupe The Police a été inspiré par la pièce (Roxane)…

Cette œuvre fait partie des œuvres intemporelles et je ne peux que vous encourager à la voir, à lire a haute voix toutes les tirades, à pleurer, à rire… bref… à l’aimer.

 

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