VIII. L’Etoile de
Matuya
-Plus tard, répondit Tchin-Tchin d’un ton qui ne souffrait
aucune réplique. Fais-moi confiance ! Pour l’instant, il y a mieux à faire
que geindre ! »
Le marais était tout entier envahi d’arbres sombres qui
faisaient atrocement grincer leurs branches griffues. Tel un rapace surgi des
abîmes, le Priculitsch lançait ses
maléfiques serres à l’assaut des intrus qu’il voulait punir. Une branche
coupante s’abattit non loin de Sara. Une autre faillit broyer Nanosh.
Indifférent au chaos qui se déchaînait, Tchin-Tchin déposa délicatement les
mèches de Yanna dans la paume de sa main gauche, inspira longuement et souffla
le plus fort qu’il put sur les fragiles cheveux qui s’envolèrent ensemble, en
apparence guidés par les toutes petites étoiles. Avec légèreté, ils parvinrent
jusqu’à la gueule du Priculitsch qui les avala d’un trait. Un profond silence
se fit qui sembla durer des heures. Mais quelques secondes plus tard, un cri
retentit. Tellement épouvantable que les Ursitori durent porter leurs mains sur
leurs oreilles pour ne pas défaillir. Et ce fut comme si le monde explosait.
Des morceaux de ciel se brisèrent comme verre et s’effondrèrent sur les arbres
griffus qu’ils découpèrent en fines lamelles de suie bientôt englouties dans la
brume du marais. Du Priculitsch, il ne restait plus rien !
« Le voilà reparti dans son royaume infernal, triompha
Tchin-Tchin en soufflant avec douceur sur la dernière petite étoile qu’il
tenait entre le pouce et l’index. Regarde-bien, Yanna. Tu vas maintenant
recevoir un cadeau. » Zigzagant jusqu’à la fillette, l’étoile vint se
poser juste au-dessous de sa paupière droite, l’ornant d’un étincelant bijou
désormais indélébile. Machinalement, Yanna toucha l’endroit où l’étoile s’était
posée et en éprouva un immense bien être.
« C’est la marque de Taksa, sourit Tchin-Tchin. La fée
ne t’a pas tout dit…Lorsque tu étais sans connaissance pendant la nuit du
deuil, elle t’a longuement caressé les cheveux, leur donnant quelques pouvoirs
magiques qu’elle avait reçus de sa mère Matuya. Dorénavant, lorsqu’un mauvais
esprit te menacera, ta chevelure donnera naissance à des lumières protectrices
dont la forme rendra hommage à l’astre qui vit naître la reine des bonnes
fées : l’étoile de Matuya !
-C’est bien joli, répondit Yanna peu impressionnée, mais tu
m’as fait mal en m’arrachant les cheveux ! Tu n’es vraiment pas
gentil ! »
Tchin-Tchin ne releva pas le reproche d’une fillette qui, par
cette réaction enfantine, cherchait à échapper à la folie d’un monde où elle
risquait, elle aussi, de sombrer. La brume s’était levée et là-bas, au bout du
marais, était apparu l’horizon d’un bois
familier à des générations de tchignomanush. « Enfin, nous y sommes,
soupira Tchin-Tchin. Nous allons pouvoir nous reposer un peu ! » En
reprenant la route, personne ne remarqua la petite créature jaunâtre qui sortit
d’un buisson et vint s’agripper sous la
roulotte.
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